Comment l’intelligence artificielle va-t-elle réinventer la fonction RH ?
Une IA qui analyse en direct le comportement d’un candidat en entretien d’embauche ? Un candidat qui passe un premier entretien avec un avatar ? Pour Bernard Blottin, conseil en stratégie média pour les RH et la formation chez Ideuzo, ces situations pourraient devenir le quotidien des recruteurs d’ici six mois à un an. « La nécessité pour les RH de se réinventer ne date pas de l’émergence de l’IA générative. Elles n’ont cessé de le faire au cours des vingt à trente dernières années, du fait des changements de contexte économique et des évolutions des attentes des nouvelles générations vis-à-vis du travail. Cependant, l’émergence de l’intelligence artificielle va obliger les RH à se réinventer, à la fois dans leurs manières de travailler, mais aussi dans la façon dont elles se positionnent au sein de l’entreprise, vis-à-vis de la direction et des collaborateurs. C’est toujours un poste hautement stratégique, mais aussi hautement volcanique ! »
De nouvelles manières de recruter
C’est dans le recrutement que l’impact de l’IA sur les tâches RH est aujourd’hui le plus palpable. À commencer par la génération d’offres d’emploi : « L’aide à la rédaction d’offres n’est pertinente et en lien profondément avec l’ADN de l’entreprise que s’il y a un humain derrière l’outil pour lui dire comment faire et vérifier le résultat. Il faut créer des modèles qui seront adaptés à chaque type de poste. »
L’IA laisse également déjà poindre des usages intéressants en matière de sourcing, souligne l’expert : « Elle permet d’automatiser la recherche de CV à l’intérieur des bases de données par exemple, avec un matching pointu, rendant obsolètes les systèmes actuels. Elle réinvente aussi l’approche en matière de gestion des compétences parce qu’elle va aider les entreprises à détecter les profils qui ont le potentiel pour être formés sur telle ou telle compétence dont elles auront besoin dans cinq ans. »
Enfin, l’IA devrait aussi révolutionner l’exercice de l’entretien d’embauche : « La techno va ajouter une couche de prédictif : analyser en temps réel les réactions et les émotions des candidats facilitera la décision du recruteur. Cela va avoir un impact significatif sur les méthodes de recrutement, qui se concentreront davantage sur la personnalité et les compétences comportementales. Même si, in fine, c’est toujours l’humain qui aura le dernier mot ! »
« Il y aura d’autres usages de l’IA dans le recrutement que nous sommes, aujourd’hui, incapables d’imaginer. Elle se développe à une telle vitesse que de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles possibilités arrivent quasiment chaque mois. » D’où l’importance de rester en veille sur le sujet.
Accompagner les collaborateurs dans les évolutions de leurs métiers
Du point de vue de Bernard Blottin, cette technologie va bouleverser, d’une manière ou d’une autre, tous les métiers et les RH sont amenées à jouer un rôle central dans l’accompagnement de ces transformations : « C’est l’occasion pour les RH de se remettre au centre du jeu par rapport au développement des compétences de l’ensemble de l’entreprise. L’IA va affecter absolument tous les emplois, sans exception, y compris les métiers manuels, non pas nécessairement sur le faire, mais sur la conceptualisation, l’organisation du faire. »
Les RH seront les principaux interlocuteurs pour apaiser les craintes des salariés, des candidats et des directions liées aux suppressions d’emplois induites par l’IA. « La notion de développement des compétences devient de plus en plus prégnante. L’employabilité est l’un des sujets de préoccupation majeure des candidats et des salariés aujourd’hui, quel que soit leur âge. »
« Les possibilités de l’IA sont telles qu’il faut accompagner l’ensemble des salariés pour leur expliquer ce que c’est et ainsi faire remonter à la direction comment ils pourraient l’utiliser, les tâches qu’elle pourrait leur permettre d’automatiser. Ce ne sont pas les RH qui vont décider de cela, mais c’est leur rôle de centraliser les informations sur les usages de la technologie au sein des différents services. »
À chaque entreprise d’adapter son discours sur le déploiement de l’IA en fonction de sa manière d’appréhender les nouvelles technologies et de sa propre culture d’entreprise. Bernard Blottin considère qu’on ne pourra mesurer les impacts de « cette révolution industrielle » sur nos métiers que « dans vingt ans » : « Ce qui est sûr, c’est qu’à ce moment-là, on ne travaillera plus du tout de la même façon qu’aujourd’hui. Certains disent qu’on ne travaillera plus, car on aura été remplacé par l’IA. D’autres disent que l’on gagnera en productivité. La question à laquelle doivent répondre les RH c’est : que faire de ce temps supplémentaire ? »
Ce qui ne changera pas
Réinventer la fonction ne signifie pas revenir sur sa raison d’être, rappelle Bernard Blottin : « Les RH devront toujours être à l’écoute des humains, de leurs besoins et les accompagner au quotidien dans leur projet de vie qui est le projet professionnel. Ce n’est pas une machine qui va décider du fait qu’un salarié devienne manager ou ait une promotion. Même si l’IA pourra aider le RH à déterminer quels sont les moyens pour cette personne d’arriver à son objectif. Les RH gagneront du temps, mais seront toujours là pour répondre aux besoins de leurs collaborateurs. Ça, ça n’a pas changé depuis 40 ans et ça ne changera pas. »
Source : Helloworkplace