Portrait Filhol transports
Suite à la reprise de l’entreprise en 2019, Flavien DURPOIX DU RANQUET nous parle de son aventure entrepreneuriale. Il est question de beaux camions mais pas que.
Comment avez-vous eu l’idée de vous lancer dans l’entrepreneuriat ?
« J’ai toujours eu cette envie en moi depuis le lycée. En études supérieures, j’avais déjà inventé le nom de mon entreprise dans le cadre d’un projet tutoré. C’est le nom que j’ai donné à ma SARL personnelle, elle s’appelle Super-flux pour des flux logistiques super et pour enlever tout le superflu. C’est surtout ce fort désir d’indépendance et l’envie de mener des gens, une équipe. Ce n’est pas dû à mes parents mais c’est vraiment l’envie d’être décideur. Cela provient aussi probablement de la période à Paris où je gérais 30 personnes et où je n’étais pas toujours en accord avec les prises de décisions de la direction. J’étais entre la direction et les équipes de terrain. On n’était pas toujours d’accord sur la méthode. ».
Comment s’est passée la reprise de l’entreprise ?
Fin juin 2018, M. DURPOIX DU RANQUET a commencé à discuter avec l’ancien dirigeant de Filhol. Au début la discussion était compliquée voire impossible car la reprise nécessitait des finances. Puis des actionnaires ont apporté le volant financier nécessaire pour pouvoir réaliser un emprunt avec l’apport initial. Ces partenaires externes sont des personnes du réseau Volupal, rencontrées dans les précédentes expériences depuis 2008.
"Donc je suis arrivé chez Filhol en février 2019. La situation de l’entreprise était très bonne au niveau économique. L’entreprise qui existe depuis 1950, venait de faire le meilleur résultat de son histoire. Au niveau du personnel et de la flotte de véhicules, c’était plus compliqué. L’image de l’entreprise était un peu dégradée du fait de la vétusté des véhicules. Une image très discrète, l’entreprise ne se mettait pas particulièrement en avant."
Flavien a bénéficié du parcours Lauréat du Réseau Entreprendre du Rhône en établissant un business plan transmis à une quinzaine d’entrepreneurs. "Par nature le Business Plan est faux, j’avais prévu de faire comme mon prédécesseur (+1% en CA), c’est ce que je visais et puis poursuivre gentiment. En fait, cela a explosé assez rapidement. Passé de 28 personnes à 56 en 3 ans, on faisait 3M€ de CA à mon arrivée et on en fait 6.2M€ désormais, on a doublé le parc véhicules et doublé le résultat sur les 2 premières années. "
« On a également structuré l’équipe : en 2021 j’ai recruté 21 personnes. Par exemple j’ai embauché 5 personnes d’un coup au service exploitation. Puis j’ai mis en place une logique d’achat de véhicules neufs pour 3 raisons : d’abord pour le conducteur, c’est important qu’il ait un bon outil. Pour une qualité optimum il faut un camion qui ne tombe pas en panne et 3ème raison l’image et l’environnement. »
Parlez-nous de votre activité, de vos services, qui sont vos clients ?
« On est spécialisé dans le groupage et la distribution du dernier kilomètre, on distribue pour le réseau Volupal. C’est 15% de notre activité. Ensuite grâce à ce réseau, on expédie des marchandises un peu partout en Europe (de 1 à 6 palettes) générant 60% du Chiffre d’Affaires. Les 40% restants sont réalisés par plusieurs clients spécialisés (magasins de vêtements et de chaussures, cavistes) et par des gros transporteurs qui nous confient leurs marchandises (Geodis, Schenker, Kuhne Nagel). On a une clientèle assez diffuse. Nous faisons partie d’un groupement qui est Evolutrans. Chaque actionnaire a une voix, c’est un modèle équilibré. Nous sommes 95 adhérents désormais. »
« Notre grande spécialité, c’est qu’à 3 jours on ne sait pas ce que l’on va faire. Si je regarde le carnet de commande pour dans 3 jours, je n’ai rien pour mes 56 personnes. Ce n’est pas du tout stressant ! On est calibré comme ça, on est spécialisé sur l’occasionnel. Nous ne sommes pas un transporteur qui opère des lignes spécifiques. Tous les jours cela change, on revoit régulièrement nos prix, nos coûts. On doit être hyper réactifs face aux événements. On le voit comme un avantage pour être très concurrentiel, c’est une machine à être réactif, c’est mon crédo. »
Crise COVID
« En plein COVID : je me dis : je vais faire quoi moi jeune entrepreneur ? Qu’est-ce que je vais faire de mes salariés ? Et là je leur ai proposé plusieurs activités. Notre activité va baisser c’est sûr donc il faut proposer autre chose à nos clients. On a fait une liste de choix avec le personnel et on a retenu la longue distance. Jusqu’à présent nos camions faisaient du régional dans les départements autour de l’Ardèche et on s’est dit que l’on pouvait aller plus loin, jusqu’à Lille ou ailleurs et faire des groupages nous-même. Alors c’est en contradiction avec notre positionnement initial mais à l’époque c’était le bon moment parce qu’une grande partie des transporteurs arrêtaient leurs camions à cause des normes sanitaires. Et nous sous la forme du volontariat, nos chauffeurs ont accepté de se lancer. Donc au moment où certains arrêtaient, nous on se lançait et c’était le bon moment pour donner à nos clients une image et un service sur-mesure. Pour les chauffeurs c’est bien différent de partir à la semaine ou pouvoir rentrer chez soi le soir. Mais j’ai 6 chauffeurs qui étaient volontaires. Cela a été de l’occasionnel, nous n’avons pas de ligne, on propose à nos clients d’aller n’importe où, là où ils ont besoin.
Au moment de l’arrivée du Brexit par exemple, des clients nous ont demandé de partir en Angleterre pour livrer une marchandise juste avant le Brexit car les normes douanières allaient changer ensuite. Du coup on a un chauffeur qui est parti comme ça à la dernière minute. »
« Autre exemple au sujet de la réactivité, si on m’appelle à 17h, je regarde quand même si je peux trouver une solution pour le client. Du coup on s’apparente un petit peu à un expressiste. On ne l’est pas mais on s’en rapproche. »
Votre slogan écrit sur vos camions est « l’humain au cœur de notre entreprise », pouvez-vous nous en dire plus ?
« Oui c’est important pour moi, il s’agit de l’Humain avec tout ce que cela comporte de manière positive ou négative. Parfois nous ne sommes pas d’accord avec un client ou avec le personnel. Cependant on essaye au quotidien de dessiner, de vivre l’entreprise de manière humaine, c’est-à-dire que l’on va s’expliquer s’il y a des désaccords et que l’on va le partager si on est d’accord. Il faut donc beaucoup de communication entre nous, beaucoup d’échanges. C’est pour cela que je viens dans l’entreprise le matin, j’aime bien mes camions mais je suis un passionné d’humain en premier lieu. Chacun a sa chance et avant de juger la personne, on l’écoute et on lui explique bien les contraintes de notre métier et ce dans quoi elle s’engage. Une écoute au quotidien est importante. »
« Récemment on a réalisé en interne des ateliers sur l’humain. Un consultant nous accompagne 1 fois par mois pendant 2h : on convie une personne de chaque service sur la forme du volontariat (mécanicien, bureau, chauffeur, direction…) pour échanger et casser les clichés. Par exemple le dernier atelier était : comment untel est perçu dans l’entreprise. (Mme malchance, monsieur aventure, monsieur propreté…) »
Un parcours d’intégration
« Nous essayons de mettre en œuvre un parcours d’intégration. Un chauffeur qui arrive chez nous commence d’abord par passer sur les quais puis à l’atelier puis dans les bureaux avant de prendre son camion et d’être formé pendant 3 jours avec un formateur (chauffeur confirmé dans l’entreprise). Le nouveau chauffeur fait un point une semaine après avec le formateur. »
« On a également un système de formation des jeunes. Un jeune qui n’a pas le permis et qui veut devenir chauffeur, on lui fait un CDD de 2 mois et pendant 2 mois il fait le métier de chauffeur en véhicule léger. Il va savoir de cette manière si le métier est fait pour lui. Puis on lui dit : est-ce que tu es partant pour faire un contrat d’apprentissage pendant 6 mois pour devenir chauffeur. Si tout se passe bien et qu’il a eu son permis, il est embauché en CDI. Du coup on a toujours un jeune en permanence en formation. »
Que pensez-vous de l’image de votre métier ?
« Les métiers du transport ont besoin d’être valorisés, il s’agit surtout de faire comprendre aux générations qui arrivent que le chauffeur ce n’est pas que Bernard avec son marcel dans son camion qui a mal au dos, qui ne rentre jamais chez lui et qui est fatigué. Le chauffeur ce n’est plus ça aujourd’hui. Désormais son camion c’est un outil technologique incroyable. C’est une grande responsabilité de conduire un 44t et d’avoir le porte-monnaie du patron dans les mains (la carte gasoil, le pass péage …). Le rôle du chauffeur c’est aussi de rendre service, de se rendre utile pour les autres. Et puis dans le métier de transporteur il n’y a pas que chauffeur, il y a beaucoup de métiers différents. C’est cette multiplicité de métiers qui est intéressante également. »
Quelles sont vos perspectives ?
« Nous prévoyons prochainement l’ouverture à Valence d’un nouveau site (entrepôt 3000m² et 900m² de bureau). Nous avons ouvert à St-Vallier un site logistique et nous avons un projet d’achat de terrain et de création d’un site logistique sur Andancette avec la construction d’un bâtiment de 5000m² (stockage, entreposage, préparation de commande…).
Projection : 100 salariés en 2025, cela dépendra du quotidien, de l’économie… »
FILHOL TRANSPORT – entreprise de transport et logistique
56 salariés – 6 M€ de CA
ZA de Marenton - 07100 Annonay
Dirigeant : Flavien DURPOIX DU RANQUET
www.transportfilhol.fr